Disrupting series - Détournements de genre dans les séries

Auteur:
Pauline
Berlage
- Publication: 07/09/2021 - Mise à jour: 16/09/2021 - Vues:
Disrupting Series. Détournement de genre dans des séries. P. Berlage

Les séries, qu’elles soient télévisées ou diffusées sur internet sont devenues des médias quasiment incontournables pour les adolescent.e.s, suite à ce constat, nous souhaitions utiliser le fort attrait de ce média pour questionner à la fois son contenu et sa forme. Ce projet “disrupting series”, est un projet d’éducation aux médias proposé dans le cadre du cours de langue moderne qui vise à la fois à faire prendre conscience de la présence, de l’utilité et de la normativité des stéréotypes de genre dans des séries anglophones pour adolescent.e.s et à mettre en action les élèves pour qu’iels se réapproprient le média.
Concrètement, après une approche théorique et cinématographique du langage audiovisuel (via un quiz), nous analysons en profondeur la vision dichotomique et stigmatisante des identités de genre trop souvent véhiculée dans les séries. Pour ce faire, plusieurs extraits de séries et films emblématiques sont visionnés et discutés ensemble.
Par ailleurs, des moments de création et de mise en pratique sont proposés afin qu’iels puissent casser les codes, les revisiter et se les réapproprier, en créant leurs propre oeuvre médiatique sonore.
Enfin, l’objectif transversal de ce projet est de développer les compétences des élèves en langue anglaise, en les invitant à recréer la bande son de l'extrait de série choisi. 
En fin de parcours, une formation aux autres enseignant.e.s était prévue afin de transmettre ce qui a été créé (au niveau conceptuel et des outils) et partager les réalisations des élèves. 

    Présentation
    Type d’enseignement
    Ordinaire
    Niveau d’enseignement
    Secondaire
    Section pour l’enseignement secondaire
    General
    Classe(s) concernée(s)
    5e et 6e secondaire
    Nom et adresse de l’institution où l’activité a été réalisée
    Collège Sainte-Croix et Notre-Dame
    Compétences visées

    LA LECTURE
    Compétences informationnelles: Lors de la phase de décryptage, les élèves ont été invité.es à questionner la manière dont les genres sont représentés dans les séries et feuilletons. Quel que soit le genre du contenu analysé ou les thématiques qui y sont abordées, la représentation des genres ne peut être éludée, elle transparaît d’une manière ou d’une autre, qu’elle y soit abordée frontalement, en filigrane ou propagée de manière inconsciente. Le rôle des médias dans les représentations de genre est évidemment indéniable, les clichés sont par définition des images, au sens large du terme, et sont donc par essence médiatiques. Les années 2010 semblent avoir donné un coup d’accélération à la libération de la parole des femmes et à la lutte pour l’égalité homme-femme, les réseaux sociaux se révélant un magnifique porte-voix de la militance féministe. Mais le chemin semble encore long pour changer les mentalités, afin que discours machistes, stéréotypes de genre et injonctions esthétiques ne trouvent
    plus leur place dans les médias. Un tour d’horizon sur Instagram nous permet de nous rendre compte de ce paradoxe. Alors qu’il est un terreau fertile à l’apparition de nombre d’initiatives féministes, ce réseau est encore le lieu de tous les diktats de l’image, certaines influenceuses reproduisant à l’envi, certes sans intention de nuire, les codes d’une publicité surannée. Les médias fonctionnant par mimétisme - ce phénomène pouvant être accentué par la communication transmédiatique - , il est probable qu’un grand nombre de séries suivent la tendance, reproduisant les clichés et codes véhiculés par d’autres médias. Quand bien même une série serait une dystopie ou une fiction historique, il est fort à penser que les représentations qui y figurent seront quelque part le reflet de l’époque de leur production.


    Compétences techniques: Comme explicité ci-dessus, la forme épousant souvent le fond dans une production de type cinématographique, il a été nécessaire pour les élèves de savoir lire et décoder les extraits de leurs séries favorites également d’un point de vue technique. Pour ce faire, iels ont été initié.e.s préalablement à la théorie du langage audiovisuel. En amont du travail d’écriture, il.els ont été également invité.e.s à lire et comprendre les codes de l’écriture scénaristique et de comprendre comment se structure une continuité dialoguée. Enfin, un temps a été pris pour décoder des documents uniquement sonores, ou s’attarder sur le son d’une série afin de comprendre de quelles couches est constitué un univers sonore de fiction. Ils comprennent qu’un son peut être équivoque, qu’un son artificiel ou produit grâce à un objet différent de la source apparaissant à l’écran, peut être plus crédible et réaliste, que s’il était émis par la source originale.


    Compétences sociales: À une époque où les algorithmes et le design des plateformes de streaming favorisent le bingewatching, seul.e.s les plus passionné.e.s prendront sans doute le temps de s’informer sur le contexte de production d’une série, ses coulisses, etc., l’intérêt des autres se limitant le plus souvent au casting de la série. Le temps a été pris ici de se pencher sur les conditions de production de la série, l’identité des membres de l’équipe technique, le contexte social et économique dans lequel elle a été réalisée. Il est intéressant de relever les différences entre une série pré et post “Me Too”, analyse d’autant plus pertinente que le phénomène a démarré au pied des collines d’Hollywood, liant étroitement le mouvement féministe à l’industrie cinématographique. Il nous semble également important d’aborder avec eux les enjeux économiques de la production d’une série, la toute puissance de la publicité dans le paysage fictionnel et ce qui est proposé en termes de séries, l’influence
    que cela a sur les délais de production, comment fonctionne le calendrier du marché de la série, etc.


    L’ECRITURE
    Compétences informationnelles: Le projet s’articule autour de trois phases d’écriture. La première consiste en un travail de retranscription. Il s’agira de procéder de la manière inverse de la production d’une oeuvre de fiction, en retranscrivant sous forme d’une continuité dialoguée, puis d’un storyboard, un ou plusieurs scènes de séries.
    Après avoir pris le temps de se pencher sur ces documents, qui servent de nouveaux outils pour décoder les représentations de genre, iels entament la deuxième phase d’écriture, soit le détournement des codes, en proposant une nouvelle version de la continuité dialoguée et du storyboard. La troisième phase d’écriture consiste à enregistrer les nouveaux dialogues, et à traduire en sons (bruitages, musique) les nouvelles intentions narratives.


    Compétences techniques: Suite aux compétences développées au niveau de la lecture, les élèves sont à même de reproduire techniquement les codes du langage audiovisuel, lors de la retranscription sur papier du scénario et du storyboard et de leur détournement, puis lors de l’enregistrement de leurs bandes sons. Pour cette dernière étape, ils utilisent des enregistreurs numériques, éventuellement des micro-perches afin de capter de manière réaliste les dialogues. Ils doivent faire preuve de créativité pour réaliser des bruitages, après avoir compris qu’un
    son est équivoque.


    Compétences sociales: Les différents métiers du cinéma sont évoqués au cours de l’animation. Les élèves comprennent quel.le.s sont les acteurs.ices clefs de chaque étape - préproduction, production, postproduction. Iels comprennent qu’être scénariste, réalisateur.ice ou scripte sur une série n’est pas le même boulot qu’être scénariste, réalisateur.ice ou scripte sur un long-métrage, tant les réalités en termes de timing et de calendrier ne sont pas les mêmes. Une attention particulière sera portée sur le métier d’ingénieur.e du son, puisque c’est ce média qu'ils travaillent le plus.


    LA NAVIGATION
    Compétences informationnelles: Cette animation est aussi l’occasion de questionner l’architecture des plateformes de streaming où sont diffusées les séries, leur fonctionnement, en abordant la question des algorithmes, des big datas, et de l’influence de ceux-ci dans la manière dont ces plateformes vont leur proposer du contenu personnalisé (vignettes différentes en fonction de l’utilisateur.ice, suggestions etc.).


    Compétences sociales: Nous abordons aussi la question de l’économie de l’attention, en nous intéressant au design addictif de ces plateformes, au binge watching qu’il peut engendrer, etc.. Il va de soi que nous avons au préalable questionné les usages des jeunes, pour savoir sur quelle plateforme iels regardent leurs séries.
     

    Déroulement de l’activité

    WORKSHOP 1:

    - Intro théorique sur les séries et le langage cinéma
    - Visionnage d’une scène d’une série en version originale ;
    - Par groupe de 5 et sur tablette : Retranscription de la scène en « script (en notant didascalies et dialogue) et
    réalisation d’un « storyboard ».
    - Mise en commun via une discussion avec le groupe classe par rapport aux premiers éléments perceptibles.
    - durée de 4h

    Objectifs: initier les jeunes au langage cinématographique et les exercer au principe d’écriture « visuelle » et
    favoriser le débat et la prise de conscience entre les jeunes.


    WORKSHOP 2 :
    - 1ère étape: Décryptage des scénarios retranscrits préalablement lors du workshop 1 - afin de relever les
    éléments genrés interpellants et décryptage des images, c-à-d de la manière dont la scène a été filmée au travers
    de l’analyse du female/male gaze au travers d'un travail écrit en anglais
    - 2ème étape: Les élèves se réapproprient la scène en réécrivant leurs propre scénario et storyboard mais avec
    comme objectif de supprimer les stéréotypes de genre ou, au contraire, en les exagérant.
    - durée de 4h

    Objectifs: initier les jeunes à l’image cinématographique et plus spécialement sous le prisme du genre; amener
    les jeunes à se réapproprier les outils médiatiques ainsi que les code du cinéma non-genré; favoriser le débat et la
    prise de conscience entre les jeunes.


    WORKSHOP 3:

    - Une fois leur storyboard et leur scénario retravaillé, les jeunes s’exercent en réel et réalisent leur propre
    scène- doublage et bruitage compris – le tout en anglais.

    - montage du son sur le film. En parallèle, production d'un travail d'expression écrite en anglais dans lequel les jeunes réexpliquent leur démarche depuis le premier visionnage de la série originale jusqu'à la création du bruitage.

    Compter min 4H, s'adapter en fonction des compétences en montage de la part des élèves.

    Dispositif didactique et matériel

    Le dispositif didactique :
    Le projet s’ancre dans un trio de processus cognitif “connaitre-appliquer - transférer” car il sera d’abord question
    d’outiller les élèves lors de deux courtes séquences didactiques puis de les mettre en pratique lors des ateliers 1,
    2 et 3. L’organisation de l’espace, du temps et des groupements se fera de la manière suivante:
    -Chaque workshop du projet est étalée sur 4 périodes de 50 minutes, avec une alternance entre travail individuel et
    par groupe (pour les séquences théoriques) puis travaux par sous-groupes.
    -Les locaux utilisés ont donc été adaptés au travail en îlots et avec tablettes (disposition par îlots, malles à tablettes
    et bonne connexion internet). Lors de l’enregistrement, nous avions accès à 3 espaces différents pour éviter les
    bruits extérieurs.


    Le matériel :
    Séquences de cours en anglais et formation finale pour les professeurs: ordinateur, projecteur et baffles que nous possédions déjà.
    WORKSHOP 1 et 2: il nous a fallu deux tablettes par groupe, donc 10 tablettes au total. L'idéal étant que dans chaque groupe, une des deux tablettes soit reliée à un clavier pour la faciliter de rédaction.
    WORKSHOP 3: tablettes, 3 enregistreurs vocaux portables, une boite à bruit, ordinateurs (un par groupe) disposant d'un programme de mixage et montage. 

    Notes

    Workshop 1:

    - Lorsque nous le réorganiserons, nous réduirons la partie théorique ex-cathedra au profit d'un travail productif par groupe, par exemple un quiz auquel répondre en ligne en cherchant des réponses sur internet.

    - Nous laisserons plus de temps pour la rédaction du storyboard.

     

    Workshop 2:

    - De nouveau, réduction de la partie théorique pour plus de temps pour la partie pratique de rédaction du nouveau scénario.

    Workshop 3:

    - Le 3e atelier a pris plus de temps que prévu: les programmes de montage n'étaient pas compatibles entre eux (entre l'école et celui des élèves qui souhaitaient le terminer chez eux). Lorsque nous le réorganiserons, nous nous associerons avec les professeurs d'art/informatique qui pourront l'intégrer à leur cours (élèves en option art).

     

    La place de l’éducation aux médias


    Nous nous trouvons ici dans un projet que nous pourrions qualifier de médiatico-médiatique, c’est-à-dire que les médias sont à la fois objets et moyens d’analyse, forme et fond. Comprendre en pratiquant, en se plaçant dans la position de créateurs.ices de contenus médiatiques, semble l’essence même de l’éducation aux médias. Ce n’est qu’en pratiquant que l’on peut appréhender réellement les enjeux d’une production médiatique.

    La thématique des stéréotypes de genre a été ici déconstruite au sens propre du terme, puisque l’exercice consiste à faire le
    travail inverse d’écriture et de production d’une oeuvre de fiction. Les élèves ont été invité.e.s, dans un premier
    temps, à visualiser des extraits de séries et à y relever les représentations liées au genre, tant sur le fond - dans
    l’écriture, les représentations qui y sont véhiculées - que dans la réalisation et la mise en scène - en appréhendant
    notamment les notions de male et female gaze -. Le travail de déconstruction se fait donc au sens littéral, puisque
    les extraits sont décortiqués plan par plan, action par action, dialogue par dialogue. Retranscrits. Détournés.
    Réinterprétés. Une fois le média déconstruit sur papier (via la retranscription de la continuité dialoguée et du
    storyboard), les élèves ont tout le loisir, via la technique (prise de son, doublage, création d’une ambiance
    sonore - bruitages, musique - montage) de se réapproprier les codes pour les mettre au service d’un nouveau
    message, plus en adéquation avec leurs idéaux en terme de représentations de genre.


    Quel(s) média(s) sera(seront) intégré(s), utilisé(s), créé(s) dans le projet ?


    Le média audiovisuel a été décrypté, en l’occurrence les fictions de type feuilleton, appelées plus communément
    “séries”. Les élèves ont été initié.e.s au langage audiovisuel - cinématographique en particulier -, afin de
    comprendre comment ces codes servent le message, renforcent certaines représentations de genre et
    stéréotypes, ou au contraire les empêche. Si l’objectif de cette animation n’est pas de réaliser une production
    audiovisuelle, nous pensons toutefois judicieux de leur faire réaliser un storyboard sur papier, afin de réinventer
    une mise en scène moins stéréotypée, moins masculiniste, plus respectueuse de l’image de la femme, par
    exemple. Pour ce faire, il est essentiel que les élèves aient intégré les notions de cadrage, de composition de
    plan, de mouvements de caméra, etc.


    Le média sonore a été ensuite utilisé pour réécrire et enregistrer de nouveaux dialogues, et par la même occasion
    recréer l’ambiance sonore, qu’il s’agisse de bruitages ou de musique. L’occasion d’aborder l’importance du son
    au cinéma, et l’influence qu’il peut avoir sur la réception et la compréhension d’un message chez le.a
    spectateur.ice. En réalisant un travail technique essentiellement sonore, en donnant la priorité au son sur l’image
    le temps d’une création médiatique, les élèves auront l’occasion de s’intéresser à la complexité de ce média, trop
    souvent oublié dans une société essentiellement visuelle. Le son sera en tout cas l’outil qui leur permettra de lutter contre les clichés et les injonctions d’une société de l’image.


    Un programme de montage audiovisuel a été utilisé pour réaliser le montage du son et le faire coller à l’image.
    Cette étape, essentielle dans le cadre d’une animation d’éducation aux médias, permet de comprendre
    comment, en interaction avec l’image, le son peut générer tantôt une émotion, tantôt son contraire, tantôt un
    message, tantôt son contraire.


    • Enfin, nous réfléchissons à l’éventuelle diffusion sur internet de ces réalisations, via YouTube ou Vimeo, et un
    partage sur les réseaux sociaux.

    Catégories de médias

    Exemple de création d'un groupe d'élèves