Qu’est-ce qu’elle a ma gueule ?
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Qu’est-ce qu’elle a ma gueule ? est une valise pédagogique d'éducation aux médias (EAM) destinée aux personnes en situation de handicap mental et aux personnes qui les accompagnent (parents, proches, éducateurs…).
Qu’est-ce qu’elle a ma gueule ? vise à sensibiliser le public cible à l’utilisation des médias, à la dimension critique de l'EAM et au décodage de l’information, tout en développant une citoyenneté critique et active. Conçu avec 30 adultes en situation de handicap fréquentant le Potelier des Pilifs, ce projet se compose :
- D’un film pédagogique sur la représentation du handicap dans les médias, réalisé en prises de vues réelles et en animation
- D’une valise pédagogique proposant divers supports et activités interactives pour encourager le débat en prolongement du film, ainsi que des ressources documentaires pour approfondir les thématiques abordées. Cette valise se décline en 3 livrets destinés à 3 publics spécifiques : les personnes en situation de handicap, leur entourage proche et les structures qui les encadrent.
Ce projet repose sur un partenariat entre 3 associations aux expertises complémentaires. L’Atelier de Production et Centre d’Expression et de Créativité, Camera-etc possède une expérience significative dans la gestion de créations collectives avec des publics fragilisés. Le centre de jour Le Potelier des Pilifs a une longue expérience avec le public porteur de handicap, comprenant bien ses fragilités face aux médias. Spécialisée en EAM, Icônes Média Production (IMP) contribue à la création d’outils pédagogiques accompagnant des supports audiovisuels. Le film et la valise pédagogique seront disponibles gratuitement sur le site https://www.handicaptoimeme.be/ à partir de décembre 2024.
Présentation
L’activité
Après recherche de partenaires, de subsides et de documentation sur la thématique, nous avons élaboré une enquête anonyme, à destination des personnes déficientes intellectuellement. Celle-ci avait pour objectif de récolter un maximum d’informations sur le rapport aux médias (télévision, radio, internet, réseaux sociaux) de notre public-cible et d’évaluer leurs besoins en éducation aux médias. Cette enquête a circulé auprès des participants des Pilifs et nous l’avons envoyée à plusieurs institutions accueillant des personnes en situation de handicap. Les données recueillies se sont avérées précieuses lors de la conception des animations qui allaient être menées.
A partir de novembre 2023, nous avons mis en place un atelier récurrent de réalisation au sein du Potelier, à raison de 2 séances par semaine. La trentaine d’adultes fréquentant le centre y était conviée. Ces séances ont permis de récolter leur témoignage, de développer la thématique avec les participants et de coconstruire le film sur base de leurs réflexions et de leurs vécus respectifs. Au fil des semaines, un constat s’est imposé au groupe : les personnes handicapées sont extrêmement peu représentées dans les médias alors qu’ils constituent 3 % de la population mondiale. Les participants se sont interrogés et ont tenté de répondre à la question : A quoi ressemblerait les médias s’ils étaient vraiment inclusifs ? Notre idée première de mener des micros-trottoirs a laissé place à une réflexion plus large sur la représentation des personnes déficientes dans notre environnement médiatique.
Lors du tournage en prise de vues réelles, les adultes ont revisité l’histoire du cinéma en se prêtant au jeu d’acteurs avec beaucoup d’enthousiasme. Ils se sont également mis en scène en se représentant dans les médias actuels ainsi que sur les réseaux sociaux. Ils se sont ensuite rendus dans les studios de Camera-etc à Liège pour y découvrir le cinéma d’animation. Avec l’aide de deux animateurs, ils ont réalisé des images animées dans différentes techniques (dessin animé, papier découpé, objets animés, pixilation). Toute la matière créée par les participants se retrouve dans le film. Une participante interprète avec brio le personnage principal du film, Chantal, que l’on entend tout au long du film.
Parallèlement à la réalisation, nous avons conçu la valise pédagogique d’EAM. Celle-ci sera diffusée à partir de décembre 2024 via le site web Handicap toi-même ! et les réseaux sociaux des partenaires. Gratuite et accompagnée du film, elle sera mise à disposition des personnes porteuses de handicap, des institutions et de toute personne souhaitant mener des activités d’éducation aux médias auprès de ce public spécifique.
Pour atteindre les objectifs d’EAM avec notre public cible et développer ses compétences médiatiques, nous avons abordé notre travail par les prismes suivants :
UN AXE HORIZONTAL lié à une approche pédagogique reprenant les critères ci-dessous :
- Représentation : S’interroger sur l'image de corps « idéal » (pub, défilé de mode, films hollywoodiens, film pornographique) et sur la place du corps porteur de handicap dans les médias et sa caricaturisation. Invitation à repenser cette représentation et à se la réapproprier.
- Public : S'interroger sur quel est le public visé par un film, un JT, un documentaire, etc. Ensuite, imaginer ce que devraient être ces productions si elles avaient pour public cible les personnes porteuses d’un handicap.
- Producteur : Amener à voir et décoder les messages (positifs/négatifs) que véhiculent les médias ou encore, à prendre du recul à propos des messages séducteurs qui s’y trouvent.
- Langage : Outiller pour mieux comprendre le langage d'une production filmique et s’armer quant aux émotions qu'ils peuvent véhiculer via la construction d’images en PVR et en animation, ainsi que le rôle du son. Exemple : l'émotion qui se dégage d'une séquence en fonction de la musique choisie, l’impact du choix des plans, le rôle de l’animation que l’on retrouve en masse dans les médias.
- Typologie : Apprendre à reconnaître le genre de média utilisé et faire la part des choses entre fiction, réalité et télé-réalité.
- Technologie : Montrer qu'avec les moyens technologiques dont notre public cible dispose (un téléphone portable, une tablette, une webcam, un appareil photo), il peut créer un média. En effet, dans le dernier volet de la valise, il est invité à produire son œuvre (filmique, photo, théâtre, musique, etc.) qui complètera adéquatement la démarche de l’ensemble de la valise proposée.
UN AXE TRANSVERSAL visant les dimensions informationnelle, technique et sociale de l’EAM et l’acquisition des compétences décrites par des actions.
- - Dimension informationnelle : Explorer, rechercher, comprendre, décoder, apprécier, créer, classer.
- - Dimension technique : Utiliser, maîtriser, sélectionner.
- -Dimension sociale : Discerner/reconnaître, réseauter, diffuser, promouvoir.
Par son approche singulière, et par les actions qu'elle propose, la valise permet à son public de cocher la totalité des items de ces deux axes et d’en faire des acquis.
Par son approche singulière, et par les actions qu'elle propose, la valise permet à son public de cocher la totalité des items de ces deux axes et d’en faire des acquis.
Dans un premier temps, le projet s'est déroulé à Bruxelles, au Potelier, en suivant le rythme des participants. Nous avons organisé un atelier de réflexion et de création audiovisuelle qui avait lieu en moyenne deux fois par semaine. Chaque session accueillait entre trois et quatre personnes, tant le matin que l’après-midi. L'objectif principal était de travailler avec tous les participants tout en identifiant, au fil du temps, un “noyau dur” qui se consacrerait à la réalisation du film.
Durant le projet, les participants ont découvert le cinéma d’animation, un moyen d’expression inédit au sein du Potelier des Pilifs. Accompagnés par deux animateurs-réalisateurs rompus à la création avec des publics spécifiques, ils ont expérimenté plusieurs techniques traditionnelles comme le dessin animé, la peinture, le sable, le volume (avec la création de marionnettes articulées à leur effigie), la rotoscopie sur base de portraits photos, la pixilation, les objets animés, le papier découpé... Lors de ces ateliers, les participants se sont approprié le langage de l’animation image par image, découvrant des affinités avec certaines techniques plus ou moins proches de leur pratique artistique ainsi qu’un nouveau champ des possibles avec la dimension de mouvement insufflée à leurs créations. Une fois les techniques et les principes de base de l’animation acquis, chacun a créé des images animées pour illustrer le propos de manière libre et créative. Ces ateliers ont donné naissance à des séquences animées et poétiques que l’on retrouve tout au long du film
Les prises de vue réelles ont été effectuées à Bruxelles avec une équipe de professionnels de l’image. Cette collaboration a enrichi le projet en intégrant des compétences techniques avancées et une expertise professionnelle, garantissant ainsi une qualité visuelle optimale pour le film.
Ce processus a non seulement permis aux participants de s'impliquer activement dans la création du film, mais a également favorisé leur développement personnel et artistique. En travaillant ensemble, ils ont pu développer des compétences essentielles tout en créant un produit final qui reflète leurs expériences et leurs visions des médias.
Le public visé par la valise pédagogique d’EAM est celui des personnes porteuses d’un handicap mental (déficience intellectuelle) en Belgique et en Francophonie. Par effet de rebond, l’outil réalisé s’adresse aussi aux accompagnants de notre public-cible, à savoir : les parents, les éducateurs et autres personnels d’institutions en lien avec le handicap. C’est la raison pour laquelle, contrairement au projet initial, nous avons opté pour la réalisation de trois livrets pédagogiques différents au lieu d’un seul. Il nous a semblé important que tous les acteurs (familles, éducateurs, institutions et personnes en situation de handicap intellectuel) soient associés dans la démarche d’éducation aux médias. Ces trois livrets sont décrits plus bas.
Nous avons élaboré notre projet avec les participants du Potelier (une trentaine d’adultes porteurs de handicap mental) en collaboration avec l’équipe éducative du centre. Le handicap mental est une déficience mentale ou un retard de développement entraînant une limitation des capacités intellectuelles et une limitation dans les apprentissages. Dans son rapport aux médias, il représente donc un public particulièrement vulnérable et fragile dont tout le monde s’accorde à dire la nécessité de l’atteindre et de l’inclure dans les objectifs de l’EAM.
Les personnes en situation de handicap mental rencontrent généralement les difficultés suivantes à prendre en compte :
- Se repérer dans l’espace.
- Évaluer le temps (par exemple : la durée d’une activité, ou sa planification).
- Appréhender les conventions sociales, les règles.
- Faire face à une situation nouvelle, ou imprévue.
- Apprendre et connaître les règles de communication, de vocabulaire.
- Réagir rapidement à une injonction, un besoin, etc.
- Fixer son attention (en général très limitée dans le temps), ce qui rend difficile un apprentissage.
- Conceptualiser, interpréter un événement, comprendre des consignes, une matière, en particulier tout ce qui comporte des notions abstraites.
Ajoutons les difficultés rencontrées spécifiquement dans les formes autistiques du handicap mental :
- Établir un contact avec les autres (vivre dans sa bulle) et communiquer.
- Parfois, mutisme.
- Avoir un contact visuel (en général, ne regarde pas dans les yeux), ce qui donne l’impression aux autres que cette personne ne suit pas la conversation.
- Se concentrer sur autre chose que ses centres d’intérêt.
- Être flexible, face à un changement de situation (qui implique stress et angoisse).
- Grande difficulté à anticiper, planifier et organiser.
Si l’on prend en compte les caractéristiques ci-dessus, il faut nécessairement faire face aux vulnérabilités suivantes :
- L’incapacité à faire face, de façon autonome, à la gestion de ses intérêts.
-Difficulté à défendre/faire respecter sa dignité, son intégrité physique ou psychique et aptitudes sociales délicates : la question des limites, de la transparence (exemple : les données personnelles sur Internet).
- La déficience intellectuelle liée au handicap mental (trouble de la réflexion, de la compréhension et de la conceptualisation). Les compétences de la vie quotidienne qui peuvent être touchées incluent certaines aptitudes pratiques, sociales de base.
- Le décodage au premier degré des informations consultées (réactions émotionnelles) sur les médias. La difficulté à départager virtuel et réalité.
- Une communication parfois difficile, particulièrement pour exprimer ses besoins, ses émotions.
L’éducation aux médias
Nous avons conçu une valise pédagogique contenant les éléments suivants :
- Un court métrage de 20 minutes traitant du handicap intellectuel et de sa représentation dans des médias
- Trois livrets pédagogiques adaptés contenant des activités interactives : Proposition de canevas pour gérer les débats et temps d’échange afin d’encourager la réflexion.
- Livret #1 : Associations, Institutions et organes de formation (éducateurs)
Ce livret est destiné à ceux qui organisent et animent des activités et des débats en lien avec l’éducation aux médias des personnes avec déficience intellectuelle. Il est une aide à l’animation. Ce livret contient également diverses ressources documentaires (filmographie, bibliographie, sitographie) visant l’approfondissement des thématiques abordées. - Livret #2 : Parents et relations de personnes en situation de handicap intellectuel
Il contient des suggestions pour un accompagnement familial des personnes en situation de handicap intellectuel au sujet de l’utilisation des médias et de la nécessité d’une éducation aux médias adaptée. - Livret #3 : Personnes en situation de handicap intellectuel
Le livret donne des informations pour mieux comprendre comment trouver des informations sur les médias et comment apprendre à les utiliser dans la vie quotidienne. Il contient des idées pour agir et utiliser les médias. Il a été rédigé dans un langage accessible (proche du FALC) aux personnes en situation de handicap intellectuel.
Synergie entre le film et les livrets pédagogiques
Le film a été conçu de manière à exploiter le ressenti de chacun, d’exprimer l'émotion, de libérer la parole et de provoquer l’échange. La valise pédagogique est un outil approprié pour canaliser cette parole et la guider vers la réflexion et la prise de recul.
Le film comme outil pédagogique est le point de départ de la réflexion. Il amène à l'émotionnel et au ressenti immédiat (ce que je ressens). Ensuite, vient le retour sur les thématiques du film. Le spectateur est invité à s’exprimer sur ce qui l’a marqué dans le film (Ce qui me concerne, ce que j’ai vécu). La troisième étape est la prise de conscience (Ce que je pense). Le quatrième volet concerne l’appropriation symbolique : les découvertes sur les médias, les expériences vécues via le film et les activités proposées, et enfin les informations reçues (Ce que je vais / peux / veux en faire).
Notre projet contribue au développement des connaissances, des compétences et des pratiques médiatiques des bénéficiaires dans le but de les rendre actifs, autonomes, critiques, réflexifs et créatifs dans leur usage des médias. Il les amène à devenir des citoyens responsables, capables de jouer un rôle actif dans la société. En favorisant leur engagement, le projet leur assure des chances égales d’émancipation sociale. Ainsi, les bénéficiaires acquièrent non seulement des outils pour naviguer dans le monde médiatique, mais ils développent également une conscience critique qui les prépare à s'impliquer pleinement dans leur communauté.
Les Média
Livret 1 : Outil pédagogique destiné aux associations, institutions et organes de formation
Livret 2 : Outil pédagogique destiné aux parents et relations de personnes en situation de handicap intellectuel
Livret 3 : Outil pédagogique destiné aux personnes en situation de handicap intellectuel
Voici le lien de visionnement du film QU'EST-CE QU'ELLE A MA GUEULE ? : https://vimeo.com/1025120447/fba7685a06?share=copy
