Les Toiles, un cinéma destiné aux publics invisibilisés des salles
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EmpreinteS est un cinéma itinérant coordonné par l'asbl Freyja allant d'un lieu à un autre au plus près des publics. Avec son activité Les Toiles, notre cinéma itinérant destine ses projections aux publics qui n'ont pas accès pour raisons sociales, carcérales et médicales aux salles de cinéma et en sont invisibilisés. Notre leitmotiv est d'utiliser le cinéma comme levier à la rencontre et animer des échanges autour des films avec des professionnel·les du monde du cinéma et de l'éducation à l'image. Passer un bon moment, poser un nouveau regard et aiguiser une réflexion critique.
Présentation
L’activité
Actif depuis septembre 2021, notre cinéma s'adapte à chaque lieu et chaque public.
En 2023-2024, 4 lieux étaient nos partenaires à Bruxelles et en région wallonne. Notre équipe a installé son cinéma chaque mois et animé des échanges autour des projections :
• à la maison de repos Le Parc de la Cense de Waterloo,
• à la maison de détention de Berkendael à Forest,
• à la prison de Leuze-en-Hainaut,
• au centre d’accueil DoucheFLUX à Anderlecht.
40 projections ont été organisées en un an, une par mois et par lieu. La programmation est pensée avec et pour le public, ce qui permet de projeter des œuvres variées. Celles-ci apportent de la matière à chaque fois différente ouvrant un échange riche animé par notre équipe autour du cinéma, de sa réalisation et thématique.
Avant la rencontre de nos publics-cibles, il s'agit de bien nous intégrer au sein des lieux-partenaires et construire ensemble les projections dans leurs espaces. Le but étant de mieux comprendre leur fonctionnement, leur réalité, leur terrain quotidien avec le public. Plusieurs réunions de préparation et d'évaluation sont ainsi organisées avec la direction ou les chargé·es de projets des lieux-partenaires. En parallèle, notre équipe et et nos volontaires se réunissent mensuellement pour penser la programmation, préparer les projections et les échanges.
La programmation s'adapte toujours au lieu et au public. Sur l'année, nous avons organisé et animé dans chaque lieu, un parfois deux ateliers de réflexion à la programmation afin de penser avec nos publics-cibles aux films et aux thématiques. Cette approche aide à entrer en contact et prendre le temps pour écouter, échanger et donner la parole. Une façon aussi d'évaluer constamment notre activité. Ces évaluations se font aussi de façon informelle avant et après les projections avec des personnes venant naturellement vers nous.
Le moment-clé de notre activité est la projection. Imaginez un peu, un cinéma qui se monte en 1h30 et se démonte en moins de 45' rendant le lieu à notre partenaire comme il nous l'a donné 5h plus tôt. Dès notre arrivée et notre installation, la rencontre se crée avec certain·es de nos publics. Au moment de lancer le film, après une brève introduction, nous éteignons les lumières et nous nous tournons toutes et tous vers l'écran. Le moment de communion qui existe alors continue lors de l'échange que nous animons autour de ce que nous avons vu, ce que nous avons ressenti ou pensé. Chaque projection étant unique, la rencontre l'est tout autant. Notre équipe s'adapte encore et rebondit au lien qui se créé individuellement et collectivement.
Lors de nos projections, nous avons la chance de recevoir régulièrement des invité·es du monde du cinéma. Nos animations et nos échanges vont ainsi un cran plus loin de la sorte. Le lien de relation de confiance que nous tissons avec nos partenaires du cinéma permet d’inviter des professionnel·les comme Marc Zinga en mars à la maison de détention de Berkendael comédien dans "Augure" dans le cadre du festival A Films Ouverts ou Julien Henry à la prison de Leuze-en-Hainaut réalisateur de "Se crasher pour exister" dans le cadre du Mois du doc.
Entre le 1e octobre 2023 et le 30 septembre 2024, 40 projections ont été organisées et près de 700 personnes rencontrées au sein de nos 4 lieux-partenaires.
Utiliser le cinéma comme support permet de donner la parole à des personnes qui ne l’ont que trop rarement - voire jamais - de réfléchir ensemble à la société et d'aiguiser les réflexions par des rencontres et des échanges.
Sensibles à créer un véritable dialogue, les ateliers de réflexion à la programmation que nous créons sont la base pour faire remonter des informations cruciales des publics. Nous les aidons à faire ressortir les thèmes des films souhaités. Nos public s montrent l’importance de vouloir se positionner au sein de la société dont ils sont en marge pour différentes raisons. Nous participons à un enjeu de citoyenneté active et responsable en pensant ensemble la programmation et en les aidant à s’approprier l’œuvre en tant que spectateur·ice.
Soutenir et participer au développement de l’esprit critique de nos publics par l’éducation au cinéma est un enjeu précis. Durant nos ateliers, nos projections et nos échanges, nous tendons à rendre nos spectateurs et spectatrices critiques en proposant des pistes de réflexion. Nous diversifions la programmation pour varier les thématiques mais aussi la forme et le genre, ce qui amène des échanges riches et complémentaires.
Il s’agit de publics peu conscients des sorties en salle. Notre équipe est alors attentive de proposer une diversité alliant fond, forme et actualités cinéma pour être en lien avec la société. La diversité de films alimente une diversité de sujets et d’émotions à partager avant, pendant et après la projection.
Quel que soit son sujet et son angle, chaque film constitue une richesse pour se situer et évoquer un point de vue comme un vécu. Le public, spectateur, prend activement part aux échanges. La forme visuelle et sonore est abordée autant que le fond. Cette approche créative est mise en lumière grâce à la présence régulière d'invité·es.
En accompagnant le film dans l’analyse de sa dimension créative avec le ou la cinéaste, nous offrons à nos publics spectateurs des occasions de percevoir comment est construit le cinéma d’un angle social, culturel et artistique. Nous l'abordons avec l’objectif d’amener une approche critique du cinéma par le cinéma. Aussi, nous incitons et invitons chaque personne à être active dans sa réflexion et à être critique sur le fond en tant que citoyen·ne afin de mieux comprendre la société dans lequel nous évoluons, d’en déconstruire les représentations et de s’exprimer.
En 2023-2024, notre projet s'est déroulé dans 6 secteurs différents :
- le secteur carcéral : notre expérience avec la prison de Leuze-en-Hainaut s'étoffe. Entrer à la maison de détention de Berkendael de Forest a demandé moins d'effort. Comprendre les rouages d'un monde carcéral dans notre monde. Néanmoins, ce dernier lieu étant nouveau et l'équipe sans cesse en renouvellement, nous avons découvert un autre fonctionnement avec lequel collaboré ;
- le secteur médical : une maison de repos est un lieu médicalisé avec tout ce que cela implique. Ce lieu a envie de nous intégrer depuis le début et d'amener plus de culture auprès de ses résident·es ;
- le secteur social du sans-abrisme : notre projet est déjà actif depuis septembre 2021 à DoucheFLUX, ce qui permet de continuer d'y développer notre activité ;
- le secteur créatif et professionnel du cinéma et de l'éducation aux médias : primordial à notre projet bien sûr. Sans le secteur professionnel du cinéma, pas de films à proposer à nos publics-cibles. Réalisation, production, distribution, diffusion, animation, éducation aux médias, festival, notre projet élargit à chaque fois son univers afin de collaborer et adapter les meilleures projections et rencontres à nos publics ;
- le secteur du bénévolat : notre projet met en avant le rôle actif des citoyennes et citoyens prenant part au montage de notre cinéma itinérant, nos projections et nos rencontres. Nous rappelons qu'il est primordial d'estomper les barrières sociales et culturelles ;
- le secteur de l'entrepreneuriat : depuis le début, nous avons pensé notre activité sur la durée, pour les publics rencontrés cette année et pour les prochains. Notre activité se développe, comme nos partenaires et nos publics. Nous avons baigné dans la création d'emplois en 2023. Notre premier ETP a perduré en 2024 avec des objectifs précis de le pérenniser et de le développer.
4 lieux = 4 publics caractéristiques. Pour chaque public, les caractéristiques ont été étudiées en amont grâce au lieu-partenaire qui le connaît très bien. Le lieu a précisé de nombreux points au fil du projet afin d’adapter nos rencontres et nos animations. Via ces collaborations, nous avons rencontré nos publics-cibles constitués d’adultes uniquement.
Maison de repos Le Parc de la Cense à Waterloo : des personnes seniors mixtes âgées de 65 à 100 ans avec une majorité de femmes. Ces personnes résident en maison de repos après une vie bien remplie et en vue de finir leurs jours dans un contexte humain et social. Elles sont plutôt issues d’une classe sociale aisée et ont une soif d’arts et de culture. Ici notre attention et notre adaptation furent portées à l'âge élevé des personnes, à leur compréhension auditive, visuelle et cognitive, ainsi qu'à l'équipe de permanent·es de la maison ;
Maison de détention de Berkendael à Forest : des hommes adultes condamnés à une peine carcérale de moins de 3 ans en réinsertion sociale et professionnelle (objectif du lieu). Le public est en perpétuelle mouvance car certains sortent, d'autres ont des permissions de sortie courte et d'autres arrivent ;
DoucheFLUX asbl : des personnes adultes mixtes vivant de façon précaire voire à la rue, en marge de la société et venant au centre de jour pour des raisons fondamentales d'hygiène, de nourriture, de sociabilisation mais aussi en vue d'un soutien de réinsertion sociale et culturelle. Nous avons prêté attention à l'inclusion de chacun·e sans différence d'âge, d'origine ou de langue ;
Prison de Leuze-en-Hainaut : des hommes adultes purgeant des peines d'au moins 3 ans et qui ont quasi aucun échange avec l'extérieur. Nous portons une attention particulière à la bonne collaboration avec la direction de la prison et son équipe de surveillant.es ainsi qu'à une bonne communication vers les détenus. Notre équipe est aussi attentive à l'échange constructif avec un public détenu qui se sent souvent dépossédé de tous droits humains.
Nous pensons aussi à 2 de nos publics importants sur l'ensemble de l'activité :
- nos bénévoles,
- les personnes professionnelles du cinéma.
L’éducation aux médias
Nous avons créé des outils non palpables. Nous avons créé du lien avec des personnes en marge de notre société. Au-delà du média cinéma et des discussions autour, cela se traduit par une réflexion perceptible lors des échanges.
"Ce que vous faites devrait être remboursé, c'est comme un médicament" un bénéficiaire à DoucheFLUX asbl lors d'une projection.
Les Média
Le comédien Marc Zinga à la maison de détention de Berkendael pour du lien et de l'éducation aux médias à travers le film "Augure" (Baloji, 2023) avec Les Toiles.
De la rencontre et de l'éducation aux médias à travers le cinéma à la maison de repos à Waterloo avec Les Toiles.
