La parole à Nathalie Papleux

Publié par: Aude Lavry - - Publication: 06/09/2022 - Mise à jour: 06/09/2022 - Vues:

Le CSEM a décidé de donner chaque mois la parole à un acteur de l’éducation aux médias afin de se pencher sur une question d’actualité en lien avec l’éducation aux médias. Ce mois-ci, la parole est à Nathalie Papleux, enseignante à l’Athénée royal Simone Veil à Beaumont en technique de transition option audiovisuelle, afin d'évoquer sa participation à l’appel à projets scolaires du CSEM.

 

Nathalie Papleux1/ Vous avez participé au dernier appel à projets scolaires du CSEM dont la thématique était « jeux et images », pourriez-vous expliquer votre projet ? Les difficultés éventuelles que vous avez rencontrées et les atouts de ce genre de projet?

Je suis enseignante dans un Athénée qui a une option très spécifique qui porte le nom d’audiovisuel. Je donne cours en 4e, 5e et 6e technique de transition. Cette option regroupe toute une série de cours différents dont un cours d'éducation aux médias, un cours de technologie de l'audiovisuel, un cours d'analyse d'images,… On fait aussi pas mal de travaux pratiques en photo, en vidéo et en son. C’est dans le cadre de ce cours que j’ai participé plusieurs fois à l’appel à projets du CSEM.

Concernant l’appel à projets 2021-2022, notre projet était de créer un jeu de société, un jeu de plateau sur la photographie. Alors, un jeu de plateau, ça peut paraître un peu ringard à l'heure des vidéos mais on n'a pas voulu se lancer dans quelque chose de trop compliqué pour une première, parce qu'un jeu, c'est difficile à mettre en œuvre. Cela inclut beaucoup de choses comme le thème, la stratégie, la dynamique, le nombre de joueurs, la durée,… ensuite il faut le tester donc on ne voulait pas se mettre de contrainte supplémentaire avec la technique du jeu vidéo. Et pourquoi la photographie ? Tout simplement parce que c'est l'univers dans lequel on baigne et que par rapport au jeu de plateau, la photographie, ça allait bien fonctionner. Au final, le jeu a permis aux élèves non seulement de travailler leurs notions en photographie et en éducation aux médias, et il permettra au futur joueur de travailler également ces mêmes notions. Donc l'objectif était double.

Au niveau de la construction du projet, les élèves ont tout fait du début à la fin ;  ils ont trouvé le nom, ils ont trouvé la stratégie, ils ont dessiné le jeu de plateau, utilisé des logiciels, ils ont fait les photos qui composent les cartes,…  C'est un gros projet. On l'a mené sur un an, donc pendant toute l'année scolaire. Évidemment, j'ai le gros avantage d’avoir du temps dans le cadre de ce cours d’audiovisuel de 6h semaine. J’ai fait ce projet avec la classe de 4ème et je savais qu’il allait brasser si pas la totalité, les 3/4 de la matière que je vois avec eux pendant toute l'année.

Au tout début, on a fait venir un expert en jeu parce que, ce n’était pas forcément évident pour les jeunes de savoir comment fonctionnent les jeux de plateau à l’ère des jeux vidéo. Donc on a organisé une journée spéciale sur la découverte de jeux qui tournaient autour de l'image déjà mais avec des stratégies différentes pour qu'ils découvrent des mécaniques de jeux différentes. Et dans l'après-midi, ils étaient chargés de concevoir déjà un premier projet pour notre jeu autour de la photographie et donc là il y a déjà pas mal d'idées qui ont germé. Et puis à partir de là on a commencé à réfléchir à la conception du plateau ; comment les joueurs allaient se déplacer ? Est-ce qu’il s'agissait d’un quiz ? Est-ce qu'on faisait des défis, donc des exercices pratiques ?...  Ça s'est construit petit à petit et ensuite lorsque nous sommes tombés d'accord sur la manière dont le jeu allait fonctionner, qu'on a trouvé le plateau, les chemins, la stratégie, le nombre de joueurs et les emplacements, on a commencé à construire le jeu,  à le fabriquer. Les élèves ont fabriqué les cartons, ils ont écrit les questions, les réponses à choix multiples, ils ont fait les photos, les ont développées, ils ont fait les photos montages, ils ont fait le plateau de jeu sur Photoshop,…

En termes d’éducation aux médias, c’est un projet qui a vraiment permis de travailler quasiment toutes les compétences et ça c’est vraiment le grand atout de ce type de projet. Le seul petit bémol est qu'on aurait voulu pouvoir commercialiser le jeu et le proposer au public et là on s’est heurté à la réalité du monde du jeu, c'est-à-dire que cela coûte très cher de produire un jeu. On a pu réaliser 10 boîtes de jeu mais malheureusement elles reviennent à 120€ pièce sans faire le moindre bénéfice, ce qui est impayable. On n’a pas encore trouvé la solution pour pouvoir l'offrir au public mais on y réfléchit encore.

 

2/ Ce n’est pas la 1ere fois que vous participiez, en quoi est-ce important pour vous de faire de l’éducation aux médias avec vos élèves ? Qu’est-ce que cela apporte au groupe ?  

J'ai fait un master en éducation aux médias à l’IHECS et c'est dans ce cadre-là que j'ai appris à connaître le CSEM, ses actions et ses missions et donc une fois que je suis devenue enseignante, je me suis naturellement tournée vers les projets qui étaient proposés par le CSEM.

Pour moi, l'éducation aux médias, c'est primordial dans la société actuelle parce que les médias font partie de notre univers au quotidien. C'est l'internet d'abord, les réseaux sociaux, la radio, la télévision, les journaux, les livres. Mais, c'est nous aussi, nous sommes tous médias. On fait tous de la communication et donc c'est important de se poser les bonnes questions, de repérer qui nous parle derrière un média ? Comment on nous parle ? A qui ? Dans quel but ? Quels sont les objectifs, les enjeux ? Et donc il est très important de sensibiliser les jeunes à cet univers très rapidement.  Prendre conscience que d'abord la communication, c'est quelque chose de très compliqué et que ça implique plusieurs dimensions, plusieurs acteurs et qu'il faut essayer de pouvoir les identifier lorsqu'on est face à une information, face à une personne. Pourquoi cette personne me parle ? Pourquoi est-ce qu'elle s'adresse à moi ? Qu'est-ce qu'elle cherche à faire ?  Est-ce qu'elle cherche à me convaincre de quelque chose. Est-ce ce que je suis dans un cadre promotionnel ? Est ce qu'on cherche à me manipuler ? Donc apprendre à être conscient de tout cela petit à petit, je pense que c'est vraiment important.


3/ Le CSEM est en train de relancer un nouvel appel à projets, que conseilleriez-vous aux enseignants qui s’intéressent à l’éducation aux médias mais qui n’ont pas encore franchi le pas ?

Alors moi je leur dirais de ne pas hésiter à se lancer dans l'aventure. La clé pour y arriver, c'est de lire les référentiels de compétences en éducation aux médias qui sont disponibles sur le site du CSEM. Toutes les clés pour remplir l'appel à projets s’y trouvent.
Rendre un projet qui tient la route, que ce soit un projet qui tienne en quelques heures ou pour toute une année, ça, ça dépend évidemment de l'enseignant, mais selon moi, tous les projets sont possibles. Il faut juste réfléchir au timing dont on dispose et à la manière dont on veut le mener en classe. Mais on peut très bien mener un petit projet comme un gros projet à partir du moment où on travaille l'éducation aux médias, ça en vaut la peine et il y a plein de choses à faire en la matière. Je crois que quand on pense médias, on a encore trop tendance à penser les médias traditionnels (radio, télé, Internet, presse écrite) et on se dit je vais devoir me cantonner à ça alors qu’il y a vraiment moyen d'élargir.

Ce qui peut faire peur c'est le fait qu'on ne connaît pas bien ce qu'est l'éducation aux médias et donc si on prend la peine de lire ce dont il s’agit et de voir quelles sont les compétences qu'on peut travailler en éducation aux médias, ça dédramatise déjà la chose et on se rend compte que finalement tout le monde fait déjà un petit peu d'éducation aux médias dans ses cours en dehors de l'audiovisuel.

On peut faire de l'éducation aux médias dans les cours de français, dans les cours d'histoire, dans les cours de sciences sociales,…. Alors évidemment ça dépend du thème de l'appel à projets mais rien n'est vraiment fermé à priori. Donc dédramatiser l'éducation aux médias et se dire qu’à priori on en fait déjà tous un petit peu. Et puis surtout si on manque d'inspiration, on peut aussi aller voir les fiches d’activités qui sont disponibles sur le site du CSEM ou les publications, les brochures, les fiches pédagogiques qui sont faites pour les enseignants. Ça donne déjà pas mal de pistes et ce sont des sources d'inspiration intéressantes, selon moi.

Par ailleurs, comme à la clé, il y a 2000€ de subsides, je trouve que ça vaut la peine dans une école. Nous, pendant quelques années, cela nous a permis de compléter notre matériel au niveau de l'audiovisuel et ça nous a permis l'année passée, de faire appel à l'expert en jeu, de pouvoir fabriquer le jeu, de pouvoir l'imprimer. Si on n'avait pas participé à l’appel, on n'aurait jamais pu finaliser et on n'aurait même jamais vu cette boîte de jeu.
Donc là, on n'a pas pu imprimer tout ce qu'on voulait au niveau de la quantité mais on a quand même été jusqu’au bout du projet, et on a quelque chose qui est vraiment satisfaisant et dont les élèves sont très fiers, ce qui est très important ! C’est en cela que je trouve que l'appel à projets vaut vraiment la peine.