Avril 2014

Publié par: Laurent Abraham - - Publication: 05/05/2014 - Mise à jour: 08/05/2014 - Vues:

Le sport dans les médias : un terrain pour les enseignants 


C’est au Centre de Dépaysement et Plein Air Saint-Vaast que les profs-relais des opérations Ouvrir Mon Quotidien et Journalistes en classe se sont retrouvés à l’initiative de l’Association des Journalistes professionnels, des Journaux francophones belges, du Conseil supérieur de l’éducation aux médias ainsi que des trois centres de ressources en éducation aux médias (CAV-Liège, Média-Animation et le CAF) ce vendredi 25 avril 2014 afin de prendre part à une journée de réflexion et d’échange ayant pour thème « Le sport dans les médias : un terrain pour les enseignants ».  Ce thème n’avait pas été choisi au hasard dans la mesure où les résultats de l’enquête Ouvrir Mon Quotidien avaient clairement fait apparaître que les pages consultées en premier lieu par les élèves étaient celles consacrées aux sports. 

C’est Gilles Goetghebuer, rédacteur en chef de Sport & Vie et de Zatopek, licencié en éducation physique et chroniqueur radio et télé, qui prit la parole le premier pour présenter un exposé consacré aux mythologies du sport dans les médias.  Il présenta d’emblée les points communs entre le métier de journaliste et celui de professeur : tous deux doivent en effet se rendre séduisants d’une part, intéressants et rigoureux d’autre part et enfin, transmettre leur savoir. 

Il insista ensuite sur le fait que le journalisme sportif est assez différent des autres types de journalisme.  Dans le journalisme sportif, on essaye de raconter de belles histoires, mais cela se fait parfois au détriment de la véracité des faits qui passe parfois au second plan.  Si la légende est plus belle que l’histoire réelle, on préfère raconter la légende.  Et cela pour diverses raisons.  

Il y a tout d’abord le fait que les grandes compétitions sportives sont souvent le fruit d’un organisme de presse : par exemple, le Tour de France est organisé par ASO (Amaury Sport Organisation), société éditrice du journal L’Equipe.  Le constat est le même pour ce qui est des grandes chaînes de télévision qui sont souvent en mesure, vu les moyens (financiers et matériels entre autres) qu’elles injectent, d’imposer leurs règles (en matière d’horaires de diffusion par exemple).  Il est triste de constater que les intérêts des grands médias comptent souvent beaucoup plus que les intérêts des athlètes eux-mêmes.

Ensuite, de nombreux journalistes sportifs entretiennent la plupart du temps des relations amicales avec les athlètes.  Ces journalistes subissent bien souvent non seulement la pression de leur hiérarchie mais également celle des institutions sportives auxquelles appartiennent les athlètes.  Enfin, on peut aussi souligner le fait qu’un bon nombre de journalistes sportifs sont eux-mêmes des supporters dans l’âme.  

Gilles Goetghebuer démystifia certaines croyances liées au domaine du sport, des jeux olympiques plus particulièrement.  En dépit du fait que beaucoup de règles proviennent des Jeux de l’Antiquité, et qu’elles n’aient pas – ou quasi pas – été modifiées depuis lors, certaines croyances relatives à plusieurs symboles de J.O. (flamme olympique, torche olympique, anneaux figurant sur le drapeau,…) sont tout à fait fausses.  On a en effet souvent tendance à croire que tous ces symboles nous viennent eux aussi de l’Antiquité ; il n’en est rien… Les exemples  sont légion : saviez-vous par exemple que les anneaux ornant le drapeau olympique sont apparus pour la première fois lors de la cinquième olympiade (J.O. d’Anvers en 1920) ? Que la flamme olympique a brûlé pour la première fois lors J.O. d’Amsterdam en 1928 ? Que la tradition de la torche olympique qui passe de mains en mains à travers les continents remonte seulement au temps de l’Allemagne nazie (1936) ? La notion de « record » est relativement récente elle aussi (fin du 19ème siècle).  Avant cela, cette notion n’était pas encore très répandue.  A l’inverse, certaines pratiques que l’on considère bien souvent – à tort – comme assez récentes, existaient déjà dans l’Antiquité.  C’est le cas par exemple pour la « violence » et la tricherie dans les Jeux : des sports violents tels que la lutte et la boxe se pratiquaient déjà à l’époque ; les tricheurs pris sur le fait devaient quant à eux offrir une petite statue de Zeus destinée à orner l’enceinte du stade.  Les exemples de mythes dans ce domaine sont nombreux, on pourrait encore en citer d’autres… 

Gilles Goetghebuer a également tenu à « couper la tête » à une autre idée reçue : plus on médiatise un sport et plus son nombre d’adhérents augmente.  Cela a peut-être été vrai il y a quelques années pour certains sports, mais cette idée est de moins en moins vraie aujourd’hui.  Il prend en exemple le badminton, sport très peu médiatisé, et pour lequel le nombre d’affiliés ne cesse de croître chaque année (plus de 10%/an).

En conclusion, Gilles Goetghebuer considère que les journalistes sportifs d’aujourd’hui sont les héritiers des journalistes de l’époque, qui n’hésitaient pas à « transformer l’histoire » et à lui donner le sens qu’ils voulaient.  La forme était souvent privilégiée par rapport au fond.

La deuxième intervention de la journée est à mettre à l’actif de Dominique Delhalle, journaliste sportif à la RTBF et administrateur de Sportspress.be.  Celle-ci avait pour thème : « Connivence, émotion et information… les langages du sport ».  Il introduisit le sujet en faisant remarquer que le journaliste sportif est un peu comme un « électron libre » au sein d’une rédaction ; en raison de ses horaires décalés (heures tardives, week-ends…), il se trouve d’ailleurs bien souvent « à part » des autres journalistes de la rédaction.  Il souligna ensuite le fait qu’il ait fallu sensibiliser les responsables de rédactions à l’information sportive ; au début du siècle dernier, ceux-ci n’étaient en effet pas très sensibles à ce type d’informations. 

Par ailleurs, il a fallu également mettre au point de nouveaux moyens de transmission de l’info, ce qui ne s’est fait que progressivement.  A titre d’exemples, le tout premier reportage sportif en Belgique date de 1925 avec Théo Fleischman ; la première camionnette émettrice utilisée pour le Tour de France date de 1930.  Ces nouveaux moyens de transmission furent perçus à l’époque comme une grande évolution : ils permirent aux auditeurs et aux téléspectateurs de recevoir l’information « en live », « en direct ».  Avant l’apparition de ces nouveaux outils qui constituèrent une petite révolution, il fallait parfois attendre plusieurs heures voire quelques jours avant d’être informé des résultats sportifs. 

Celui ou celle qui choisit le métier de journaliste sportif a généralement un objectif en tête : pouvoir faire du reportage ou du commentaire en direct, alors que le journaliste sportif doit aussi pouvoir s’intégrer dans d’autres « formats », comme le magazine d’information par exemple, ce qui n’est pas toujours facile car cela nécessite une différence de ton et exige d’être plus concis et de résumer l’information. 

Dominique Delhalle diffusa ensuite, pour le plus grand plaisir de l’assistance, un extrait de reportage de feu Luc Varenne, véritable légende du commentaire sportif et toujours en très grande forme lorsqu’il s’agissait de commenter les exploits sportifs de « notre Eddy Merckx national » sur les routes du Tour de France et d’ailleurs. 

L’orateur fit remarquer que, si parfois Luc Varenne fut quelque peu « critiqué » pour ses exagérations dans ses commentaires et pour son côté « partisan », ces « techniques de commentaire » étaient néanmoins nécessaires et inhérentes à la fonction de commentateur : en effet, si un journaliste sportif commente ce qu’il voit de manière totalement neutre, il ne parviendra pas à captiver et à garder son public « scotché » bien longtemps…

Un échange intéressant avec la salle permit de comparer les commentaires sportifs d’autrefois et ceux d’aujourd’hui. 

Le conférencier fit ensuite part d’une remarque consacrée à l’un des travers par excellence du journaliste sportif : celui de s’adresser de manière récurrente aux seuls initiés ; il illustra cette remarque par un exemple : lorsqu’un article est consacré à Michel Preud’homme, il arrive fréquemment que l’auteur écrive son nom en entier une seule fois au début de l’article et que plus loin dans celui-ci, il se contente de ne mentionner que ses initiales, à savoir MPH… Parfois même, il n’est pas indiqué que l’on parle de football ! 

Une autre remarque fut consacrée à la fonction de consultant : celle-ci apparut d’abord dans le milieu du sport ; à l’heure actuelle, il en existe dans une multitude d’autres domaines (politique, économique, religieux,…). 

Dominique Delhalle conclut son intervention en affirmant que le journalisme sportif peut être considéré comme une ouverture pour les jeunes, comme un moyen de s’ouvrir à d’autres domaines de la presse et du journalisme.  

La troisième partie de la journée était consacrée au genre et à la diversité dans le sport ainsi qu’à la présentation du projet M.A.R.S. (Media Against Racism in Sport).  Celle-ci fut assurée par Anne-Claire Orban de Xivry, international project manager chez Média Animation.
Soumise d’emblée à un petit jeu de rôle organisé par l’animatrice, l’assistance prit rapidement conscience que, en matière sportive également, nous avons souvent des préjugés et des stéréotypes. 

Le programme M.A.R.S. cherche en outre à questionner la capacité des médias à développer des approches inclusives et non discriminantes dans leur façon de couvrir les questions de sport.  Le sport est considéré comme un espace important de construction de cohésion sociale et il est aussi un secteur majeur d’investissement pour l’industrie médiatique.  Toutefois, la couverture médiatique du sport est loin de refléter les diversités culturelles et sociales et de garantir l’égalité pour toutes et tous.  D’autres informations sont disponibles sur le site internet du Conseil de l’Union européenne :  http://www.coe.int/t/dg4/cultureheritage/mars/default_FR.asp?    

La journée se poursuivit par une table ronde ayant pour thème « Le traitement de l’info sportive au-delà du compte-rendu » et réunissant les journalistes Frédérique Thiébaut (No Télé), Thomas Busiau (Le Soir) et John Baete (Sport.be, Goooal !, Bel-RTL, et ancien rédacteur en chef de Sport/Foot Magazine).  Il fut notamment question de « peoplelisation » des sportifs de haut niveau, de la parité hommes-femmes dans les rédactions sportives et de la déontologie du journaliste qui travaille pour un club sportif en particulier. 

En guise de clôture de cette journée riche en enseignements, Jehanne Bruyr – détachée pédagogique au sein d’Action Ciné Média Jeunes (ACMJ) – et Sophie Lapy – chargée de projets multimédias au sein du même organisme – dégagèrent un certain nombre de pistes pédagogiques pratiques à l’attention des enseignants.  Tout au long de la journée, à l’initiative des deux représentantes d’ACMJ, une tablette numérique avait circulé parmi l’assistance afin de permettre aux personnes qui le souhaitaient de réagir en faisant part de leur opinion par rapport à l’une ou l’autre question posée au préalable.  C’est ce qui permit de dégager certaines pistes pédagogiques parmi lesquelles on peut citer : 
  • Travail sur la forme
    • Langage, rythme, choix des mots
    • Elément(s) strictement positif(s)
    • Image et mise en récit
  • Analyse du public : novice ou expert ? 
  • Découverte de l'envers du décor
    • Economie des médias pour les événements sportifs
  • Ethique déontologique : chauvinisme
  • Partir de l'actualité pour débattre
  • Diversité des genres 
  • Décalage de la pratique sportive et de la représentation sportive
Et pour ce qui est des pistes pédagogiques en termes de production : 
  • Revue de presse
  • Commentaires d'images
  • Illustrations
  • Descriptions sonores
  • Animation des réseaux sociaux autour d'un événement sportif