La parole à Claire-Anne Sevrin

Publié par: Aude Lavry - - Publication: 22/02/2023 - Mise à jour: 22/02/2023 - Vues:

Le CSEM a décidé de donner la parole à un acteur de l’éducation aux médias afin de se pencher sur une question d’actualité en lien avec l’éducation aux médias.

Claire-Anne SevrinCe mois-ci, la parole est à Claire-Anne SEVRIN, Directrice de Yapaka.be, coordination de la prévention de la maltraitance en FWB, pour évoquer la campagne « Ne laissons pas les écrans faire écran ».

Pourriez-vous présenter Yapaka en quelques mots ?

Yapaka est un programme de prévention de la maltraitance des enfants initié par le Ministère de la Fédération Wallonie Bruxelles. Il a pour mission d’une part d’informer et de former les professionnels qui accueillent les familles au quotidien et d’autre part de sensibiliser le grand public. Le site yapaka.be reprend l’ensemble des outils et campagnes de sensibilisation comme la dernière qui met le focus sur la place des écrans dans nos familles « Ne laissons pas les écrans faire écran ».

Quels sont les impacts sur les enfants de « trop d’écran » dans une famille ?

La « technoférence » se définit comme les multiples interruptions quotidiennes dans les interactions en raison des dispositifs technologiques. Dans nos relations avec les enfants, ces interférences doivent nous interroger.
Pour grandir, l’enfant a besoin de continuité, d’attention conjointe et de la pleine présence de l’adulte qui s’ajuste à ses besoins et à ses émotions. Des chercheurs ont montré qu’un adulte sur son smartphone en présence d’un enfant, s’adresse moins à lui, lui parle moins et utilise moins de vocabulaire. En retour, l’enfant parle moins également. C’est la porte ouverte à l’étiolement des tonalités diverses de la vie car la multiplicité des mots est porteuse des nuances fondatrices pour l’ouverture au monde, aux autres et à soi. Répétées au quotidien, ces interruptions appauvrissent les échanges adulte-enfant. L’impact sur l’enfant se mesure sur le plan neurologique, affectif, cognitif, notamment au niveau du langage, de l’estime de soi, de sa construction identitaire…
Quand les interférences technologiques surgissent, elles détournent le parent/l’adulte, il est capté par l’extérieur. Tout à coup, il s’absente même si son corps reste dans la pièce. Ses mimiques deviennent incompréhensibles pour l’enfant, parfois le corps de l’adulte se crispe et souvent quand il revient de ce moment d’interruption, il n’en dit rien. À l’aube de ses interactions sociales, l’enfant n’a aucune piste de lecture de ce qui vient de se passer... Quand l’adulte répond systématiquement aux notifications, le tout-petit peut intégrer que l’extérieur a plus d’importance et de valeur que lui, il assimile une culture de l’immédiateté, de l’éparpillement, il est embarqué d’emblée dans un monde du zapping des relations sociales.
 

Écrans et smartphones sont devenus omniprésents dans nos vies, quels conseils donner aux parents pour éviter qu’ils n’empiètent sur la relation avec leurs enfants?

Les écrans nous amènent, comme toute invention humaine, des solutions qui facilitent nos vies. Mais, si leur utilisation n’est pas pensée, ils peuvent facilement prendre toute la place et devenir poison.
Chacun à son niveau peut imaginer des astuces pour limiter ces interférences dans les liens à l’enfant : privilégier une utilisation du smartphone lorsque l’enfant est au lit, désactiver les notifications pour préserver les repas et les échanges qui s’y déroulent, garder le téléphone à distance dans les moments de nursing (biberon, bain…), de jeux avec l’enfant, laisser son portable au fond du sac durant les moments d’attente (arrêt de bus, salle d’attente…). Tout cela nous permet de prendre conscience de nos (més)usages et d’avoir une prise de distance face à ces automatismes.

Quel doit être, selon vous,  la « juste » place des écrans au sein d’une famille ?

Ce n’est pas tant l’écran qui pose problème mais la place qu’il prend et il prend très vite beaucoup de place. La notion du temps passé devant un écran n’est pas la même pour un tout petit ou pour un adolescent. L’essentiel à repérer c’est quand l’écran prend tellement de place qu’il fait écran à la relation, qu’il n’y a plus d’échange, plus d’autres activités,…