2014-Uccle

Publié par: Philippe Delmotte - - Publication: 01/12/2014 - Mise à jour: 02/12/2015 - Vues:
La journée qui s’adressait aux maîtres assistants et à leurs étudiants (futurs éducateurs,  instituteurs et professeurs) s'est tenue le vendredi 28 novembre 2014 à la Haute École de Bruxelles catégorie pédagogique Defré. Durant la journée, professeurs et étudiants ont eu la possibilité de recevoir des témoignages et des échanges de pratiques pédagogiques,de découvrir les regards croisés d'experts et de praticiens et de participer à un atelier.
Le thème proposé, "Le média dont je suis le héros" a permis d’étudier les notions d’interactivité dans les émissions de téléréalité au sens large.

Après une introduction par Monsieur Jean-Luc Sorée (chargé de mission au CAF-Tihange) et Madame Carine Dierkens (directrice de la HEB), Madame Françoise Capacchi (inspectrice) a présenté les intervenants qui se sont succédé pour exposer toutes les facettes de l'interaction entre le téléspectateur et le média télévision.
 

Second écran et transmédia : les nouvelles recettes de la télé-réalité  (G. Harveng)

- Muriel Hanot (Directrice des études et recherches et chargée de cours à UCL Mons)

Mme Hanot introduit son propos par la projection d’une publicité virale « Press the button – your daily dose of drama TNT ». Cette publicité présente une scène de rue où des passants remarquent une sorte de détonateur, ayant la forme d’un bouton rouge. L’un d’eux, poussé par sa curiosité, actionne le bouton, formule un choix : « jaune » et déclenche aussitôt une série d’actions violentes allant en crescendo. La panique gagne la foule tandis que le chaos s’installe. Chacun se réfugie où il peut tandis que les coups pleuvent, les autos pompes arrosent les protagonistes, les murs s’écroulent sur des carcasses d’automobiles. Alors que la terreur gagne les passants médusés, la capsule vidéo se termine par un clin d’œil qui suscite un rire nerveux : une banderole se déroule et indique « Press the button ! Your daily dose of drama TNT ».

 Reprenant son souffle, l’audience va suivre les propos de Mme Hanot avec beaucoup d’intérêt en commençant par les balbutiements d’un archétype d’un nouveau genre qui a vu le jour à la fin des années nonante : la téléréalité. Avec les émissions « Big Brother » ou « loft story », les spectateurs allaient entrer dans l’intimité des candidats et faire de gestes banals, un spectacle au quotidien mêlé à une forme de voyeurisme. A l’époque la téléréalité se basait sur plusieurs concepts :

  • La télévision de l’exploit
  • La télévision réparatrice
  • La télévision de l’intimité
  • Le télé-crochet
Pour définir la téléréalité, il convient de prendre en compte les caractéristiques récurrentes suivantes :
  • Des scènes filmées au quotidien sous forme de feuilletons ;
  • Présentation d’anonymes ou de célébrités qui au fil du temps vont devenir des « déchus » ou des « héros » ;
  • Omniprésence d’un milieu clos, les candidats sont comme pris au piège d’un environnement dont ils ne sortiront que vainqueurs ou éliminés ;
  • L’importance de la scénarisation : nous nous trouvons entre réalité et fiction, ce que l’on pourrait appeler « feintise » ;
  • Tout ce qui est de l’ordre du privé devient public ;
  • On se trouve dans le registre du divertissement.
Depuis lors, ces émissions ont évolué, donnant l’opportunité (ou le sentiment) au spectateur d’avoir réellement un rôle à jouer dans l’interactivité qui est mise en place. Si dans les années 70, le spectateur pouvait voter par téléphone pour son candidat préféré lors d’émissions musicales, les progrès technologiques permettent aujourd’hui à celui-ci de s’impliquer davantage : non seulement il est omniscient, il a accès aux pensées des personnages mais il a le sentiment d’interférer sur le déroulement de l’action. Chacun choisit son personnage, dans certains cas, une communauté de fans se constitue, notamment via les réseaux sociaux, les forums, les chats, twitter, facebook, tumblr…les échanges vont bon train,… pour ou contre avec, le cas échéant, remise en cause du jury. De nos jours, l’interactivité télévisée passe de plus en plus par la télévision numérique. Le candidat vote, parie, joue, donne un avis, recommande, partage, co-crée et devient membre à part entière de ce que nous appellerons la « social TV ». Les usages se diversifient, on consulte plusieurs écrans en même temps (second screen), on pratique le transmédia (une même histoire placée sur divers supports), la télévision devient un objet de discussion et chaque émission comporte un « avant » (les spectateurs échangent déjà avant l’émission et font des pronostics), un « pendant » et un « après » (les échanges se poursuivent tard après la diffusion).
 
Toutefois, Mme Hanot s’interroge sur la place effective du spectateur. A-t-il réellement autant de pouvoir que les concepteurs d’émissions voudraient bien le faire croire ? Plusieurs études indiquent que non. Au-delà de toute cette activité autour des émissions de téléréalité, le rôle individuel du spectateur reste très limité pour les raisons suivantes :
  • Les marges de manœuvre dans lesquelles il évolue restent limitées (le choix reste cantonné à quelques options)
  • L’interactivité reste sous le contrôle de la chaîne distributrice qui induit une certaine norme à respecter
  • L’entièreté de la série s’inscrit dans un scénario pré établi
  • L’interactivité reste majoritairement horizontale
  • Le vote du spectateur n’a que très peu d’impact sur l’ensemble des choix
  • Seules les narrations transmédiatiques s’inscrivent dans une dynamique de co-création

On peut donc en déduire que le spectateur est au cœur du processus mais qu’il n’est pas l’acteur principal de la démarche dont les interactivités modifient moins les contenus que les contextes d’usage et de perception.  Et Mme Hanot de conclure en disant que la téléréalité permet avant tout de ramener le spectateur vers la télévision en lui donnant une certaine illusion de pouvoir. C’est ici que l’éducation aux médias revêt toute son importance permettant à chacun de prendre la juste mesure de son action.

La présentation de Muriel Hanot

La responsabilité de l'éditeur, des chaînes publiques et les défis pour le futur  (G. Harveng)

- Fabrice Massin (Directeur des médias interactifs à la RTBF)
 Changeons de registre et commençons par un petit quizz à mains levées. Fabrice Massin interpelle les étudiants : « combien parmi vous regardent la télévision tous les jours ? Quelques timides mains se lèvent… « Combien parmi vous vont sur internet tous les jours ? Une forêt de doigts se lève combinée à un large sourire…

Fabrice Massin concède que pratiquement plus aucun jeune de moins de 25 ans regarde encore la télévision. Actuellement l’âge moyen des téléspectateurs se situe autour de 55 – 60 ans et les plus gros « consommateurs » de télévision se situent dans le troisième âge et au-delà. A ce rythme, la disparition des chaînes de télévision pourrait se situer d’ici les années 2030. Afin de continuer à exister dans le futur, les chaînes de télévision n’ont guère d’autre choix que de changer leurs stratégies et d’aller à la rencontre des gens là où ils sont : sur les réseaux sociaux, sur internet.
 
C’est dans cette optique que la RTBF a décidé, voici quelques années déjà, de mener une politique de diffusion et de communication à 360° : elle est présente sur une multitude de plateformes (Facebook, les plateformes thématiques, twitter, etc).  Grâce aux réseaux sociaux, la RTBF touche plus de 250.000 personnes par jour et entretient le dialogue avec elles. C’est ainsi qu’aujourd’hui, une équipe d’une trentaine de personnes travaille au quotidien au département des médias interactifs, chacun étant spécialisé sur une plateforme bien déterminée : les sports, la culture, la politique, etc. Cette volonté de dialogue n’existait pas voici dix ou quinze ans.

La Chaîne publique a développé plusieurs émissions divertissantes avec interactivité mais Fabrice Massin précise que les équipes de productions refusent d’entrer dans un certain voyeurisme qui consiste à montrer des candidats dans des situations dégradantes car les maîtres mots de la RTBF sont : « divertir – informer – éduquer ». Les candidats sont montrés au travers des défis qu’ils sont amenés à relever mais pas dans leur intimité. En outre, dans son plan stratégique quinquennal, la RTBF développe avec l’aide du CSEM toute une série d’initiatives relevant de l’éducation aux médias afin d’amener le téléspectateur à regarder les émissions et à interagir de manière éthique, citoyenne, responsable et respectueuse des autres. Parmi les émissions dévolues à cette approche d’éducation aux médias, notons : « What the Fake », « Ouf Tivi », « la boîte à clichés ». Notons également que les visites en entreprise ont été modernisées et permettent aux visiteurs de produire de l’information parallèlement aux productions de JT’s.

Présentation du concept de l'émission "What The Fake" (RTBF), analyse critique et responsabilité du spectateur

- Isabelle Colin (CAV), Thomas Jungblut (CAV) et Sophie Lapy, ( ACMJ)

Les vidéos sur Youtube: https://www.youtube.com/user/wtfakeRTBF

Le concept What the fake (G. Harveng)

Sophie Lapy présente le concept« What the Fake !?». Ce concept est né en janvier 2014 d’une préoccupation de la RTBF ayant trait à l’éducation aux médias. Valérie Magis, auteur et show runner, s’est entourée de Kody Kim, humoriste et scénariste des web-épisode, ainsi que de Nixon, rappeur et comédien bruxellois. La volonté était de susciter l’expression des jeunes sur des enjeux et thèmes liés aux médias via les réseaux sociaux, domaine de prédilection des jeunes internautes pour faire valoir leur avis. Les thèmes abordés avaient trait à l’image de soi sur Internet, les selfies, les commentaires des jeunes et des parents sur les réseaux sociaux, etc.

12 captures furent réalisées et diffusées à raison de 1 épisode par semaine entre janvier et avril 2014. Les jeunes, majoritairement âgés entre 13 et 18 ans pouvaient ensuite s’exprimer via les réseaux sociaux et échanger leurs points de vue. Par ce biais, la RTBF voulait casser l’image « cliché » de l’adolescent qui est inactif, dort jusque tard dans l’après-midi, joue à des jeux vidéos et mettre en place un modus opérande fédérateur entre les générations. C’est ainsi que « What the Fake !? » s’est également décliné à la radio, via une page Facebook et sur la chaîne Youtube.

Au terme de l’expérience, un documentaire de 52 minutes a été réalisé en forme de bilan de l’opération, première saison. Globalement, le concept est bien passé auprès des jeunes qui ont participé aux tournages et à la réalisation des activités. On peut toutefois regretter que le succès, côté internautes, ait été assez mitigé. Les animateurs ont eu des difficultés à récolter leurs avis, le timing étant serré et les budgets limités.

Une deuxième saison fut ensuite prévue pour septembre 2014 abordant des thèmes « au choix des jeunes » et plus exclusivement liés aux « médias ». On peut le regretter.

En conclusion, disons qu’il s’agit d’un outil d’éducation aux médias par les médias (identifier, étudier, connaître l’usage de nouveaux médias) qui a permis d’observer les motivations des interlocuteurs en situation médiatique. Il a permis aux jeunes d’exercer leurs sens, leur intelligence en décryptant ce que les médias nous donnent à voir et le reflet de l’image sociétale qu’ils véhiculent. Il a également permis de renforcer les compétences de base, à savoir : voir, entendre, penser, parler.

La présentation de Sophie Lapy (Il s'agit d'un Prezi. Il faut décompresser les fichiers et lancer l'application prezi.exe)

What the fake et l'éducation aux médias (Ph. Delmotte - G. Harveng)

Isabelle Colin commence son intervention par resituer l’éducation aux médias. Dès la maternelle, il convient d’éduquer aux médias et d’exercer les sens des enfants : est-ce qu’on voit bien ? Est-ce qu’on entend bien ? Ensuite, il on exercera son intelligence, on fera travailler sa pensée sur ce que les médias nous donnent à voir, soit les indices de la société. On l’entraînera à voir les productions de la société comme autant de signes de nos valeurs. C’est alors que l’on développera les compétences de base : voir, entendre, penser, parler.

Pour aller plus loin, il convient de s’approprier des outils d’analyse transversaux et spécifiques. Parmi l’ensemble des outils disponibles, Isabelle Colin pointe la grille d’analyse par les 6 thématiques de l’éducation aux médias établie par Len Masterman du British Film Institute dont les six angles d’approche : langage, technologie, représentations, public, producteur et typologie. Isabelle Colin identifie également un outil qu’elle utilisera par la suite pour un exercice pratique : le schéma de la communication « médiatique ».

Pour en revenir à « What the fake », on notera qu’il s’agit à la fois d’un outil d’éducation aux médias par les médias et d’un outil d’éducation aux médias. C’est un outil d’éducation aux média par le média car, à partir du contenu, on peut découvrir les nouveaux usages des médias. On veillera également à analyser « What the fake » avec les outils de l’éducation aux médias afin d’ « ouvrir la boîte noire » pour observer les motivations des acteurs dans une situation spécifique, afin d’identifier les différentes facettes du fonctionnement systémique d’une production avec comme finalité d’en comprendre les enjeux et spécificités. Qui dit quoi, à qui et comment ?

Isabelle Colin procède à la projection de la capsule vidéo qui a lancé « What the Fake !? », « Boston Killer » dans laquelle des ados s’interrogent sur la couverture d’un magazine présentant un adolescent qui pourrait être impliqué dans les tueries de Boston sous les traits d’un garçon qui, au premier regard, ne correspond pas  l’image typée et communément véhiculée dans les médias de l’assassin ou du terroriste.
Nous nous trouvons face à une réalité passant par une interactivité avec émetteurs et  récepteurs qui ensemble contribuent à la construction d’une  nouvelle réalité dans la perception.

Dans « What the Fake !? », les jeunes introduisent de nouveaux codes et participent au tournage en tant que sujets et objets mis en scène, par ce biais, ils changent la donne. On peut considérer que cette initiative se caractérise par un objet transmedia interactif mais qu’en est-il de l’exploitation pédagogique ?
L’initiative se caractérise par les éléments suivants :

  • Elle est autotélique
  • Elle induit une implication active et/ou subie
  • Elle engendre une dynamique d’interactivité
  • Pour quel impact sur le comportement des jeunes ?
En tout cas, « What the Fake !? » suscite la réflexion sur les éléments suivants :
  • Remise en question du mythe selon lequel les jeunes seraient connectés en permanence et les adultes complètement hors jeu ;
  • Mise en lumière du rite (pratiques spécifiques des jeunes, leurs codes vestimentaires, le type de langage, …)
  • Apparition de la tribu : la connectivité crée la relation entre les jeunes
Et de terminer son propos en analysant la culture numérique des adolescents :
  • Elle est ludique
  • Personnalisée
  • Fulgurante
  • Dynamique
  • Réticulaire

La présentation d'Isabelle Colin

L'interactivité (P. Delmotte)

Thomas Jungblut enchaîne sur la nécessité d’intégrer l’interactivité dans les pratiques scolaires.

Le web 2.0 qui s'est développé depuis 5-6 ans est multidirectionnel et permet à tout un chacun de créer assez aisément des contenus,  une très grande interactivité et notamment la collaboration…. La tendance de l'interactivité fait partie d'une nouvelle culture bien comprise par les médias qui au travers des outils mis en place tente de ramener les jeunes vers leur canal. De même, à l’école, transmettre le savoir de façon unilatérale est dépassé. Il est nécessaire, voire indispensable d’avoir la culture de l'interactivité en classe et de favoriser la participation, la collaboration, la création par les élèves…

Pour illustrer son propos Thomas Jungblut fait un historique de l’interactivité dans les médias. Il ne s’agit pas ici d’interactivité comme proposée par TF1 à travers l’application Myconnect ou France 2 avec des suppléments de contenus aux émissions sur les réseaux mais bien d’outils qui responsabilisent le spectateur dans la création même si c'est tout relatif. Certaines expériences ont essayé d'ouvrir le cadre un maximum pour permettre la participation.
 

  • 1967: Kinoautomat – une expérience cinématographique qui propose un film avec un scénario classique qui s’interrompt laissant au spectateur la possibilité de choisir la suite au moyen de deux boutons (rouge, vert). L'accent marketing est déjà mis sur le choix par le spectateur.
 
  • 1992: Hugo Délire (France 2 ou 3) où on propose selon le principe du jeu vidéo, suite à un appel téléphonique à un spectateur de commander via le clavier du téléphone le déplacement d'un personnage sur des rails. Cette émission à rencontré beaucoup de succès, c’était progressiste et ici aussi l’interactivité était mise en avant. Un inconvénient majeur, un seul spectateur décidait du déroulement de l’action.

 

  • SKEMMI: société belge qui développe des procédés techniques d'interactivité pour le cinéma. Des capteurs sont disposés dans la salle et les spectateurs influencent le scénario en bougeant les bras. On reste ici dans le même type d’interaction qu’avec l’émission Hugo Délire.

 

  • Last call - film allemand est une expérience interactive créée en 2010. Les spectateurs sont invités à donner leur numéro de téléphone portable à l’entrée de la salle de cinéma. A certains moments, le protagoniste à l'écran appelle un spectateur et, via un dispositif, une interaction se met en place.

 

  • Finite films est expérience américaine de 2011. Trois cinéastes ont expérimenté un nouveau processus créatif qui intègre les médias sociaux et le cinéma indépendant. Ils ont produit un court métrage chaque mois pendant un an, chacun en fonction des contraintes d'audience générée par les suggestions des internautes.

 

  • Anarchy (France TV nouvelles écritures) - Anarchy est une fiction collaborative qui se décline à la fois sur le site Anarchy.fr et dans une série télévisée diffusée sur France 4. C’est une des formes les plus abouties d'interactivité et de responsabilité du spectateur. Il est possible de proposer la suite de la série (premier niveau d’interactivité) , de créer un personnage (second niveau d'interaction) et finalement via un chat et un forum, on peut témoigner de choses vues même si le témoignage est factice (troisième niveau d’interaction). Il reste que c’est finalement la production qui fait le choix d’une proposition.

 

  • RTBF – Deviloftheday - Lors des retransmissions de match de l’équipe nationale belge, la RTBF propose aux internautes de voter pour le meilleur diable. Celui-ci se voit convier à la table des intervenants après le match.

 

  • Coldplay - ink - clip interactif - L'histoire du clip débute par un personnage, héros de l'histoire, échoué sur un rivage, entouré d'une boussole, d'un couteau de poche et d'un pinceau. L'internaute commence son voyage en choisissant parmi ces trois objets. Selon la production, le clip permet de raconter 300 scénarios différents selon que l'internaute clique à tel ou tel endroit de l'image. Le scénario retombe néanmoins toujours sur ses pattes aux moments clés de cette chanson sentimentale. Ici aussi, il s’agit d’une expérience individuelle.

 
La présentation de Thomas Jungblut
 

Développement et image de soi à travers le geste interactif (P. Delmotte)

- Pascal Minotte (psychologue au Centre de Référence en Santé Mentale - CRéSaM)

Est-ce que les médias interactifs participent à la construction de l'identité et de l'estime de soi et si oui, en quoi ?

Qu’est ce que l’identité ?
L'identité est un processus de caractérisation et de catégorisation, par soi-même et par autrui. L'identité numérique, elle, est constituée de l'ensemble des informations sur une personne accessibles sur Internet. L’identité développe une série de paradoxes. Elle peut être singulière ou plurielle, en effet, on peut se créer un blog professionnel et y développer une certaine mise en scène et à côté, se créer un blog personnel où l’on développera une autre mise en scène de soi. L’identité peut être interne et externe au sujet, consciente et inconsciente, individuelle et collective. C’est d’ailleurs une histoire sans fin puisque chacun participe à la construction de notre identité, construction que l’on intériorise et qui sera à nouveau construite par les autres.

L’identité dans les médias interactifs
L'identité est partout. Ainsi, participer à cette conférence construit notre identité qu'on soit intervenant ou participant. Les médias interactifs créent une certaine tension qui nous pousse à réfléchir l'identité sur le mensonge, l'identité de façade, l'anonymat qui permet de falsifier… sur le droit à l'oubli. Sur Facebook, l'identité est explicite, organisée, voire formatée. On est dans une sorte de mise en scène de soi. Dans les jeux vidéo, il peut y avoir une confusion en matière d'identité.

Développe-t-on des comportements narcissiques ou histrioniques dans les médias?
Internet est souvent pointé comme étant facteur de narcissisme. Le narcissisme, c’est le fait d’avoir la libido tournée vers soi, c’est l'individu dans la contemplation de lui-même, il n'aime que lui. Sur les réseaux sociaux, on n'est pas forcément dans le narcissisme tel quel car il y a une mise en débat. Dès qu'on poste une photo, on (se) met en débat contrairement au fait d’installer une photo de soi en fond d'écran d'un PC par exemple.
Les médias peuvent susciter des comportements histrioniques. L'histrionisme ou théâtralisation est caractérisé par une recherche constante et excessive d'attention. On développe des comportements ayant pour objectif d'attirer l'attention. La téléréalité propose ce genre de comportements excessifs jusqu'à aller au clash. C'est ce qu'on demande aux participants même si ce n'est pas leur objectif de départ. Ce n’est pas forcément le cas du partage de photos ou de propos de soi sur internet. Ni narcissique ni histrionique, loin de là. Il s'agit avant tout de la recherche de sens et de liens. On vit des choses et on commente ce que l’on vit. On formule du sens par rapport à ce que l’on vit, qui on est, nos sensations. C’est aussi le cas dans la téléréalité avec le confessionnal où on amène le participant à commenter ce qu'il a vécu. On vient se confesser et on construit du sens en même temps. Cependant, dans la téléréalité, c'est souvent moins satisfaisant que dans les réseaux sociaux.

Quelques exemples concrets (Fournis par les étudiants du Master en éducation aux médias de l’IHECS):
La recherche du sens et du lien : quand une étudiante poste sur Facebook des commentaires par rapport à ce qu’elle fait à l'école et les réactions des « amis », c’est une forme de réflexivité. On réfléchit ensemble sur le sens qu'on peut donner à tout ça. On renégocie un sens à l'histoire qu'on a vécu. On construit une narration, on la négocie même si on n'est pas toujours d'accord sur ce qu'on a vécu. On est à la recherche de lien, d'échange social…
L'identité narrative : quand on se met en scène et qu’on se raconte sur un blog, on le fait pour trouver un sentiment de cohérence, à la recherche de sens.
Recherche de validation et mise à l'épreuve : quand dans un groupe Facebook, on peut poster une photo de soi pour susciter les commentaires des autres, ça peut être une petit dimension de narcissisme mais on se met en scène pour être en recherche de sens et de lien.

La présentation de Pascal Minotte
 

"Un diner presque romain" à la manière des pros.  Une activité de classe au cours de latin (P. Delmotte)

Virginie Civilio, professeure de cours de langues anciennes à l’Athénée Royal d’Ath a réalisé avec ses élèves de quatrième secondaire une parodie d'un dîner presque parfait. Ce projet a été mené dans le cadre d'un concours Artes (qui signifie talent en latin) dont la  volonté est de remotiver les élèves pour les langues anciennes. Le concours Artes demande une triple production aux élèves: une production écrite, une production orale et visuelle et une production à distribuer genre dépliant.

Lors d’une participation précédente, Madame Civilio et ses élèves avaient produit un PowerPoint sur le thème de la ducasse d'Ath. Cette fois, le groupe classe était plus disparate. Composé de deux clans l’entente y était mauvaise. Afin de définir le thème, Madame Cervilio a fait une enquête sur les loisirs des jeunes et le résultat a indiqué que la télévision et principalement la téléréalité font parties de leurs principaux centres d’intérêts. Après débats, l’émission « Un dîner presque parfait » a été choisie car sa réalisation semblait plus accessible.

Le projet pouvait démarrer. Plusieurs étapes ont été nécessaires :

•    la répartition des rôles et métiers ;
•    une recherche documentaire dans les sources antiques ;
•    la traduction de recettes ;
•    la participation à une édition spéciale à l'espace gallo romain sur les épices antiques ;
•    la nécessaire prise de contacts avec la direction, les parents, le Musée gallo-romain, les commerçants…
•    la réalisation du tournage en différents lieux : sur le marché, à l’Espace gallo romain, dans la maison d'un parent;
•    le montage.


Une question s’est très vite posée : conçoit-on un scénario ou pas ? Les élèves étaient plutôt contre en insistant sur la recherche de la spontanéité, la liberté dans le dialogue et la volonté de ne pas devoir étudier. Madame Civilio a défendu l’idée devant l’intérêt de construire une timeline, un Fil d’Ariane, pour des soucis d’organisation et de gestion du temps et pour la mise en place de jeux de mots dans les dialogues.
Il était prévu aussi, pour coller au plus près au concept de l’émission, d’intercaler une page de publicité mais, à cause du timing de présentation devant le jury d’Artes, il a fallu abandonner l’idée.
Les élèves avaient identifié des stéréotypes de participants au jeu et souhaitaient jouer la caricature mais, finalement, ils n’y sont pas parvenus.

Le montage a été réalisé par un élève en décrochage. Il a pu montrer tout son savoir faire technique. Il a proposé plusieurs montages qui ont engendré des débats qui ont abouti sur des suggestions d’amélioration dont l’ajout d’une voix off pour l'humour, l’ajout de musique (adaptée au public de jeunes)…

Finalement, Madame Civilio note qu’en latin, télé signifie loin et réalité signifie l’être. Les étudiants ont compris que pour parler aux jeunes il fallait utiliser des médias jeunes.

 

 


 

Ateliers-débats identiques: Éducation aux médias en pratique: analyse de What the fake, émission interactive.

Jean-Luc Sorée (CAF-Tihange), Isabelle Colin (CAV-Liège), Michel Berhin (Média-animation), Thomas Jungblut (CAV-Liège) , Sophie Lapy (ACMJ), Jehanne Bruyr (ACMJ), Vinciane Thiry (CAV-Liège)