Emmanuel Todd est un historien français, anthropologue, sociologue, démographe et essayiste. Son ouvrage récent « Qui est Charlie ? Sociologie d'une crise religieuse » a suscité la polémique. En cause, son regard virulent sur la manifestation « Je suis Charlie » du 11 janvier. À travers une recherche démographique et sociologique, il fait voler en éclat cette impression d'unanimité, d'unité nationale et républicaine ; vision que les médias et la politique ont présentée après les attentats. Il constate que « toute la France » n'était pas à cette grande manifestation. Les ouvriers, les classes immigrées en étaient absents. Il pointe une sorte d'islamophobie latente, inconsciente, et permettra à celui « qui ne se sentait pas tellement Charlie » d'avoir une lecture du sentiment ressenti comme honteux, tant l'unanimité bloquait tout regard critique. Il fustige également le « flash totalitaire » qui a suivi les événements, où des procès expéditifs ont matérialisé le caractère liberticide de l'après Charlie. Il craint cette revendication de laïcité omniprésente, qui est selon lui une islamophobie qui ne dit pas son nom. Que l'on soit d'accord ou pas avec certains des points de vue adoptés (on renverra ici à la lecture de son livre), l'argumentaire d'Emmanuel Todd repose sur une recherche rigoureuse, qu'il a l'occasion de présenter dans cette longue interview. Son énorme qualité est de prendre un recul scientifique sur des événements traumatisants. Il en donne une lecture dérangeante, qui remet au centre du débat les maux profonds de la société française, après l’hystérie de janvier dernier.